Il n’y aura pas de changement de cap pour l’intégration du F-35 au sein des Forces aériennes suisses. Explications et décryptage.

F-35A @ Aeronautica Militare
Entre panique et hypocrisie
La vague « trumpiste » semble prendre notre démocratie de court, mais révèle également l’hypocrisie de certains et le manque de conviction, pour ne pas dire la faiblesse des autres. Une situation qui complexifie un monde en difficulté qui évolue vite et qui demande une analyse froide et solide. Nombreux sont les articles parus ces derniers temps sur le fonctionnement du DDPS. Oui, des problèmes subsistent, oui, rien n’est parfait et il est urgent de réagir et de corriger ce qui doit l’être. Mais à condition de ne pas tout mélanger et d’avoir le recul nécessaire. La cacophonie actuelle est loin d’être rassurante.
Panique sur les coûts du F-35
Précisons d’emblée que nous achetons l’avion de gouvernement à gouvernement via un contrat et non à un président, que les coûts de l’inflation ont été pris en compte, ainsi que les variations du taux de change. Tous les avionneurs sont susceptibles d’être confrontés à des variations de l’inflation.
En matière d’achat, l’avion est groupé avec d’autres acheteurs internationaux et ceux acquis pour l’armée américaine. Le calcul est ensuite fait par rapport aux contrats. Aux plus bas pour notre pays (prix pour le standard Block 3, mais nous recevrons le Block 4, d’où le prix fixe). Les clients comme la Grèce, par exemple, paient plein pot pour le standard Block 4, car commandé plus tard avec une liste de prix établie par rapport aux améliorations du nouveau standard.
Lors des négociations entre le gouvernement américain et l’avionneur, il s’agit donc d’équilibrer le prix moyen établi selon les contrats des divers acquéreurs, de tenir compte du nombre d’avions produits et des coûts de production, et bien entendu du potentiel d’inflation.
L’inflation
La problématique de l’inflation est connue depuis la fin du COVID. Elle est due à plusieurs facteurs, tels que le prix de l'acier comme exemple d'un matériau entrant dans la fabrication du F-35, sans oublier les matériaux de type « terres rares » (lanthanides, lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium et lutécium) qui sont indispensables dans la fabrication de divers éléments qui composent les capteurs et systèmes de haute technologie.
Chaque année, le gouvernement américain négocie avec Lockheed Martin sous pression du GAO (Cours des comptes US) le meilleur prix pour les lots de F-35 à produire. En ressort un prix fixe. À ce jour, les prix des lots ont toujours baissé, et ce, car Lockheed Martin a cherché de nouveaux moyens d'obtenir des matériaux moins chers, par exemple en recherchant des fournisseurs alternatifs ou en adoptant des techniques d'achat différentes. De fait, ces prix sont restés en-dessous de la barre de l’inflation US, malgré une légère augmentation due à l’intégration des nouveautés pour le Block 4.
Lot 18 & 19
Le lot 18 concerne notre pays, il porte sur un montant de 11,76 milliards de dollars pour construire pas moins de 145 F-35, est techniquement approuvé et va être signé ce printemps. Le lot 19, lui, est déjà sur les rails avec une augmentation de la production à 150 appareils et sera signé cet automne. La question d’une éventuelle augmentation des coûts liée à l’inflation pourrait concerner les lots 20 et 21. Pour autant, ce n’est pas dans l’intérêt du gouvernement US qui pousse à la réduction des coûts en continu.
Trump peut-il influencer les coûts ?
Oui, vers le bas, dans son intérêt en ce qui concerne les prix annuels des lots. Ce qui fait notre affaire.
Les surcoûts peuvent en revanche toucher les pays investisseurs (R&D) dans le programme F-35 (trois cercles). Par exemple, le Canada qui verse en moyenne 700 millions de dollars US par année. L’administration Trump peut, à travers les pressions des taxes douanières, vouloir faire pression pour une augmentation de la participation. La Suisse n’est pas concernée.
Pas d’annulation
Non, il n’y aura pas d’annulation du contrat F-35, pour les raisons suivantes :
Nous avons versé des acomptes en millions depuis 2022, un revirement nous fera perdre ces millions définitivement, de plus une annulation du contrat nous coutera des millions additionnels en pénalités, inacceptable.
Le projet suit le calendrier prévu tant en Suisse (travaux à Payerne) que le début de l’assemblage des premiers F-35 suisses cette année.
Choisir un avion européen coûtera 2 milliards de plus, car les essais en Suisse comme en Finlande ont démontré l’incapacité à faire face à des avions de 5ᵉ génération russes ou chinois.
Le retard pris dans un revirement mettrait en danger notre capacité de défense en vue du remplacement des F/A-18 à l’aube de 2030.
À propos de l’incapacité des avions européens
Le plus gros problème, selon une analyse d’experts de l’Institut français des relations internationales (IFRI), est l’absence d’un avion de chasse de cinquième génération. Le Rafale français de Dassault, qui fait la fierté de l’armée de l’air française depuis des décennies, tout comme l’Eurofighter d’Airbus, montrent des limites claires par rapport aux modèles concurrents dotés de caractéristiques furtives avancées, tels que les F-35 et F-22 américains, les Su-57 russes et les chasseurs chinois J-20.
« Les pilotes français sur Rafale affrontant régulièrement des chasseurs de cinquième génération de type F-35 en exercices interalliés constatent que la mission de combat contre des chasseurs furtifs est impossible à gagner en l’état actuel des capteurs. Dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité, la chasse française serait cantonnée au rôle de supplétifs. » Jean-Dominique Merchet, journaliste français spécialisé dans les questions militaires, stratégiques et internationales.
Question
Nous avons versé plusieurs millions dans le cadre du projet F-35. En matière de taux de change (CHF/US), nous sommes gagnants. Pourquoi cette bonne nouvelle n’est-elle pas relayée dans la presse ?
Complètement stupide, mais bon, si vous avez l'argent a foutre par la fenêtre pour cette chimère ... vous êtes chez vous. Mais il ne va pas voler beaucoup le machin ...